Loi Loppsi 2 : Expulsion Expéditive


Vidéo : Contre la loi Hortefeux article 32 ter A

DAL / Droit Au LogementLoi Loppsi 2 : le Gouvernement demande la pénalisation et l’expulsion expéditive et arbitraire
-* des squatters, des occupants de bidonvilles ou d’un «habitat choisi»…

Nous découvrons l’article 32 ter A de la loi Loppsi 2, en cours d’examen au Sénat (du mardi 7 au jeudi 9 sept ), complété par un amendement gouvernemental (n° 404, voir en bas de page) dans lequel est prévue la mise en place d’une procédure expéditive et arbitraire diligentée par le Préfet pour expulser les squatters de logements, de locaux et de terrains. Il écarte l’intervention du juge, habituellement gardien du «domicile du citoyen», ou de la «résidence principale». C’est donc une violation des principes du Droit Républicain.

Le Préfet pourra expulser sans jugement, contre l’avis du propriétaire ou à sa place, en piétinant la trêve hivernale des expulsions, la loi DALO, sans obligation de relogement ni même d’hébergement…

Sur une simple «mise en demeure» du Préfet, l’occupant aura 48h minimum pour quitter les lieux, faute de quoi il serait passible d’une amende de 3750 euros. Il s’agit là de forcer l’occupant à partir de lui même. Certes, un recours est créé, par le biais du Tribunal administratif, mais par essence il est complexe, et difficilement accessibles aux personnes en situation d’exclusion par le logement.

Le Préfet se substituerait au propriétaire du terrain, même contre son gré, s’appuyant sur des motivations très vagues de salubrité publique, de sécurité publique ou de tranquillité publique. Ces notions sont extensibles à merci, et applicables à toute situation que le Préfet aura décidé d’éradiquer. De nombreux abus de pouvoir en perspective…

C’est une mesure d’exception, qui échappe à la procédure d’expulsion encadrée par le législateur. Ainsi, la trêve hivernale peut être violée, les biens des expulsés peuvent être détruits ou confisqués, il n’est plus fait état d’une possibilité de relogement ni même d’hébergement, de la prise en compte dans un dispositif de soutien à une situation sociale des personnes expulsées par cette procédure est ignorée et laissée à l’arbitraire préfectoral. C’est le retour à une législation du logement à deux vitesses : des droits tronqués et des mesures d’expédients pour les précaires…

Le gouvernement a trouvé un moyen d’expulser des personnes et familles en général sans logis, en situation de précarité, qui n’ont d’autre solution que d’occuper des logements, des locaux ou des terrains vacants, par des moyens d’exception. Une nouvelle fois la justice est évincée, au profit des pouvoirs de police des Préfets.

Des exemples concrets :
-* Pour les Roms, et les gens du voyage qui ont été stigmatisés par le chef de l’État cet été, cet article prévoit l’évacuation arbitraire, sur la simple appréciation du Préfet, de terrains appartenant à d’autres personnes que l’État, ainsi que la destruction des constructions édifiées, et des caravanes, assortie d’une amende de 3750 euros.
-* Les occupants de locaux, ou squatters de logements et locaux vides. Artistes, mal logés, alternatifs… Là aussi la notion de «réunion» est suffisamment floue, tout comme les motifs ou «prétextes», que le Préfet invoquera.
-* Habitants de yourtes, de cabanes ou de tipis, dont les habitations pourront être détruites, (y compris lorsque les occupants sont eux même propriétaires dudit terrain) sont aussi visés par cet article.
-* Les sans abris du bois de Vincennes, par exemple, si le Préfet démontre qu’ils se sont installés «en réunion», (il suffit de trois personnes pour agir en réunion)…

Dans tout les cas d’occupation sans titre d’un terrain ou d’un logement (un logement c’est un immeuble), cet article pourrait s’appliquer, y compris sur des occupation antérieures à la Loi….

Le Gouvernement aurait il décidé d’éradiquer toute formes d’habitat de fortune dont dispose les personnes vulnérables et les familles en difficulté, lorsqu’ils ne peuvent accéder ni à un HLM, ni à un hébergement, ni au parc locatif privé, du fait de la crise du logement et de la carence des politiques publiques ? Ce faisant il menace également différentes formes d’habitat alternatif, de lieu de vie ou d’espaces de création culturelle ou sociale.

Dans un contexte de crise économique et sociale grave, cette disposition qui accable encore une fois les précaires du logement est indécente et brutale.
-* Nous demandons son abandon.
-* Nous informons le monde associatif syndical et politique de la menace qui pèse sur une forme efficace et populaire de combat et de lutte des précaires du logement.
-* Nous appelons à des initiatives jeudi, pendant l’examen de l’article et demandons aux groupes parlementaire de recevoir des délégations.

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DAL / Droit Au LogementLoi Loppsi 2 : Loi d’Orientation et de Programmation pour la Performance de la Sécurité Intérieure
-* Article 32 ter A (nouveau) complété par l’amendement 404 (texte souligné)

I. – Lorsqu’une installation illicite en réunion sur un terrain ou dans tout local appartenant à une personne publique ou privée en vue d’y établir des habitations comporte de graves risques pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques, le représentant de l’État dans le département, ou, à Paris, le Préfet de police, peut mettre les occupants en demeure de quitter les lieux.

La mise en demeure est assortie d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à quarante-huit heures. Elle est notifiée aux occupants et publiée sous forme d’affichage en mairie et sur les lieux. Le cas échéant, elle est notifiée au propriétaire ou titulaire du droit d’usage du terrain ou du local.

Lorsque la mise en demeure de quitter les lieux n’a pas été suivie d’effet dans le délai fixé et n’a pas fait l’objet d’un recours dans les conditions prévues au II, le préfet peut procéder à l’évacuation forcée des lieux, sauf opposition du propriétaire ou du titulaire du droit d’usage du terrain ou du local dans le délai fixé pour l’exécution de la mise en demeure. Le cas échéant, le préfet saisit le président du tribunal de grande instance d’une demande d’autorisation de procéder à la destruction des constructions illicites édifiées pour permettre l’installation en réunion sur les lieux (terrain) faisant l’objet de la mesure d’évacuation. Le président du tribunal ou son délégué statue, en la forme des référés, dans un délai de 48 heures.

Lorsque le propriétaire ou le titulaire du droit d’usage du terrain ou du local fait obstacle à l’exécution de la mise en demeure, le préfet peut lui demander de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser l’atteinte à la salubrité, à la sécurité et à la tranquillité publiques, dans un délai qu’il fixe.

Le fait de ne pas se conformer à l’arrêté pris en application de l’alinéa précédent est puni de 3 750 euros d’amende.

II. – Les personnes destinataires de la décision de mise en demeure prévue au I, ainsi que le propriétaire ou le titulaire du droit d’usage (du terrain) des lieux peuvent, dans le délai fixé par celle-ci, demander son annulation au tribunal administratif. Le recours suspend l’exécution de la décision du préfet à leur égard. Le président du tribunal ou son délégué statue dans un délai de soixante-douze heures à compter de sa saisine.

Objet :
_ Lorsque des terrains appartenant à une personne publique ou privée sont occupés de façon illicite par des campements présentant de graves risques pour la salubrité, la sécurité ou de la tranquillité publiques, l’article 32 ter A permet au représentant de l’État dans le département, et à Paris le préfet de police, de mettre les occupants en demeure de quitter les lieux et de procéder à leur évacuation d’office.

L’amendement proposé a pour objet d’étendre ce dispositif, non seulement aux différents types de terrains extérieurs, mais aussi aux sites bâtis.

L’expérience montre en effet que des bâtiments font souvent l’objet d’occupations illicites ; c’est la raison pour laquelle il est proposé de les inclure dans le dispositif d’évacuation d’office.

-* Amendement 82, positionné après le 24 decies du projet de loi, présenté cette fois par des Sénateurs, et dont l’application risque de dépasser l’objectif défini par le législateur. Il s’agirait de sanctionner le « vol de domicile » :

L’article 226-4 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Est puni des mêmes peines le fait de séjourner dans le domicile d’autrui sans l’autorisation du propriétaire ou du locataire et de ne pas le quitter immédiatement à la requête du propriétaire ou du locataire. »

La rédaction de l’amendement n’est pas appropriée, car elle permet à des propriétaires indélicats, ou des locataires principaux sans scrupule, qui louent sans contrat, « au noir » ou qui sous louent des chambres de bonne, ou qui prêtent à titre gracieux les lieux, d’expulser leur sous locataire ou l’occupant sans jugement, voire même de les faire condamner au pénal, ce qui reviendrait à condamner des innocents, et à permettre l’expulsion sans jugement de vrais locataires ou sous locataires.