LUTTER CONTRE LES EXPULSIONS LOCATIVES, LES REMISES À LA RUE DES SANS ABRIS, LES COUPURES D’ÉNERGIE…


28 juillet 2020

Depuis le 11 juillet, et malgré les commentaires du nouveau gouvernement, les expulsions locatives sèches, les remises à la rue de sans abris, et très certainement les coupures d’énergie chez les opérateurs privés ont repris. Ce n’est pas une surprise, puisque les “expulseurs” (bailleur, huissier, police, Préfet) pour rattraper le retard issu de la prolongation au 10 juillet de la trêve hivernale, doivent doubler la cadence des expulsions forcées jusqu’au 31 octobre.  Il en est de même pour les remises à la rue de sans abris hébergés pendant le COVID 19, qui se voient congédiés de leur hébergement et doivent retourner à la rue. En ce qui concerne des coupures d’énergie, il semble que l’opérateur public, ENEDIS ne reprendra pas les coupures avant septembre, mais les opérateurs privés nombreux depuis l’ouverture à la concurrence ont du déjà commencer.

 

  1. Hausse constante du nombre d’expulsions 

Celles ci ont quadruplé depuis 40 ans, et doublé ces dix dernières années. Elles devraient en théorie être plus nombreuses encore cette année que les années précédentes, les mêmes causes produisant les mêmes effets aggravants :

  • hausse des loyers, des prix immobiliers et fonciers, conséquences de l’avidité des milieux immobiliers et financiers, associée à la complaisance des acteurs politiques en place;
  • baisse des revenus des locataires;
  • mesures d’économie sur les budgets publics, par exemple des APL

-> Les chiffres des expulsions, cliquez ici

 

  1. Expulsion pour impayés du COVID, ce sera en 2021-2022  

Les procédures d’expulsion issues des impayés de l’état d’urgence sanitaire et de la crise sociale qui s’annonce ne devraient pas être traitées en audience par les tribunaux avant novembre dans le pire des cas :

  • En effet, la procédure prévue par la loi du 6 juillet 1989, prévoit que la clause résolutoire d’un bail d’habitation n’est acquise qu’à compter d’un délai de deux mois suite à l’expiration d’un commandement de payer resté infructueux.
  • En pratique, cela signifie que le bailleur doit faire signifier par huissier un acte qui oblige le locataire à s’acquitter de sa dette dans un délai de deux mois avant d’entamer une procédure d’expulsion.
  • Hors, avec les ordonnances sur la prorogation des délais de procédure durant l’état d’urgence sanitaire, la date d’expiration des commandements de payer dont le délai a couru durant la période d’état d’urgence sanitaire interviendra au plus tôt le 24 août 2020, la période « juridiquement protégée » se terminant le 23 juin.
  • Dans tous les cas, l’huissier de justice doit signifier l’assignation en expulsion au moins deux mois avant la tenue de l’audience. Soit pour une audience du 25 octobre dans le pire des cas.
  • Cette période de 2 mois (entre l’assignation et l’audience) doit être mise à profit pour établir un diagnostic social, nécessaire pour demander des délais, pour faire une demande au FSL, saisir la CCAPEX, demander un échéancier etc.; Dans l’attente du résultat démontré de ces démarche, car les commissions ont pris aussi du retard, l’audience pourra être reportée.
  • Les expulsions pour impayés de loyer ne peuvent intervenir qu’à l’issue d’un délai de deux mois suite à la signification d’un commandement de quitter les lieux, ce qui nous amène dans le pire des cas au 25 décembre.
  • Les tribunaux sont par ailleurs embouteillés par plus de 3 mois d’arrêt de la crise sanitaire, précédée par un grève dure des avocats;

Dans ces conditions, il ne parait pas possible que les locataires fassent l’objet d’une expulsion avant le début de la trêve hivernale pour les impayés qui sont intervenus en raison de l’état d’urgence sanitaire.

La hausse importante des impayés de loyer, des procédures d’expulsion et des expulsions effectives, conséquences du confinement, puis de la crise économique et sociale qui vient, devrait s’installer courant 2021 et s’étendre à 2022.

Il est possible de s’y préparer en étant mobilisé sur les expulsions en court, et en intervenant et mobilisant en amont, par exemple via des permanences dans les quartiers populaires …

Pour l’heure, hormis une circulaire prise le 2 juillet avant le remaniement (voir ci-dessous), le Gouvernement qui se prépare à déverser 400 milliards dans “l’économie”, n’a rien mis en place pour anticiper et limiter la hausse des expulsions locatives, qui devrait déboucher comme nous l’avons observé lors des crises précédentes, en France et dans d’autres pays, sur une hausse du nombre de sans-abris et de logements vacants.

Certains bailleurs sociaux ont créé quelques aménagements, essentiellement des échéanciers et la suspension des procédures d’expulsion pendant quelques mois.

 

  1. La Circulaire du ministère du logement du 2 juillet 2020

Emmanuelle WARGON Ministre déléguée auprès de la ministre de la Transition écologique chargée du Logement ” est donc placée  sous la tutelle de Barbara POMPILI.

Elle a d’entrée de jeu édulcoré la circulaire du 2 juillet signée par son prédécesseur, J. DENORMANDIE, passant d’une « proposition de relogement avant toute expulsion », à une “proposition d’hébergement” ou une “mise à l’abri“, justifiant  qu’il ne faut pas sanctionner les petits bailleurs, argument brandi depuis 200 ans par le lobby de « la propriété bâtie » .

Il ne faut pas attendre trop d’impact de cette circulaire, car elle n’est pas opposable et ni signée par le ministre de l’intérieur, véritable patron des Préfets qui finance sur son propre budget l’indemnisation des bailleurs lorsque l’expulsion est différée. La question du transfert du budget de cette enveloppe d’indemnisation au ministère du logement ou des affaires sociales, serpent de mer qui revient sporadiquement à la surface depuis 35 ans, n’a toujours pas été décidée, sans doute sous la pression des bailleurs.

La circulaire du 2 juillet et les déclarations ministérielles, (comme la circulaire E.Cosse) ne devraient donc pas ralentir les expulsions locatives, malgré la crise sanitaire.

Malgré les interrogations pesant sur son impact, elle peut être  peut être mise en avant dans des situations défendues notamment par le DAL et les associations en général. En remettre une copie aux habitants concernés peut aussi être utile, pour renforcer leur volonté de défendre leur droit à être logé décemment, l’afficher sur leur porte…

Attention également sur l’interprétation de cette circulaire : une “proposition de relogement” ne vaut pas un “relogement”, car une proposition doit être présentée en commission d’attribution qui en général a le choix entre 3 dossiers et ne choisira pas spontanément le ménage en instance d’expulsion… 

-> Ici le texte de la circulaire Denormandie du 2 juillet 2020

 

  1. Actions de terrain

 Que faire en cas d’expulsion locative ?

  • Toute expulsion forcée, en l’absence d’un jugement d’expulsion et de la police, dûment autorisée par le Préfet, est illégale et est sanctionnée de trois ans de prison et 30 000€ d’amende selon l’article L226-4-2 du code pénal;
  • Faire toute les démarche préventives avant et après le jugement, et se rendre à tous les RV liés à la procédure d’expulsion pour plaider sa cause (FSL, Commission de surendettement, éventuellement CCAPEX …);
  • Faire un DALO dès le jugement d’expulsion rendu;
  • Alerter voisins, écoles, comité DAL ou collectif anti expulsion, pétition, délégations, banderole … exiger le relogement ou le maintien dans le logement si celui ci est décent et adapté au revenu du locataire
  • En cas d’expulsion imminente, préparer et mettre de coté les biens de valeur, et les papiers importants. Garder à portée de main une valise avec les objets de 1ère nécessité (papiers, médicaments, change, hygiène, docs scolaires des enfants…)
  • Si l’expulsion a eu lieu, des actions pour exiger le relogement des expulsés sont possibles et en général aboutissent si les habitants soutiennent, où si les familles expulsées/expulsables agissent ensemble. 

-> Voir les fiches détaillées :

 

  1. Concernant la remise à la rue de sans abris 

La légitimité d’une action collective des personnes sans abris, tirée du droit à l’hébergement jusqu’à une orientation notamment vers un relogement, tel que défini dans l’article L 345-2-2 et suites de code de l’action sociale, est forte. Si les personnes menacées d’une remise à la rue se solidarisent et refusent de quitter leur hébergement le jour venu, ils ont tout à gagner. L’expérience l’a démontré.

 

  1. Les coupures d’énergie ou réductions de puissance d’énergie 

Les coupures d’énergie et réductions d’énergie montent rapidement en charge. Selon le médiateur à l’énergie, elles sont passées de 574 000 en 2018 à 674 400 en 2019, soit une hausse de 17% sur un an. 

Ceci est la conséquence de la hausse des tarifs d’énergie induits notamment par la dérégulation du marché de la distribution d’énergie décidée par Bruxelles, de la baisse de revenu des ménages, et la persistance de passoire thermiques.

Là aussi, des arrêtés anti coupure ou réduction d’énergie permettrait de maintenir l’énergie essentielle aujourd’hui pour les ménages modestes. Parmi les propositions toutes pertinentes du médiateur, retenons la création d’un service de distribution de l’énergie public et gratuit, en remplacement des nombreuses aides existantes et insuffisantes.

 

  1. Moyens d’action des maires et des collectivités territoriales face aux expulsions, aux sans-abrisme et aux coupures ou aux réductions d’énergie

Après l’élection des maires et des président.es des EPCI et des métropoles, il est utile de rappeler que ces collectivités peuvent aussi peuvent prendre de mesures d’urgence pour éviter les mises à la rue, pour loger des sans abris, ou bloquer des coupures d’énergie, pour soutenir les mobilisations et revendications du mouvement social du logement, plutôt que de conduire des politiques d’urbanisme de gentrification.

-> Voir : compétences des maires, des EPCI et des métropoles et exemples d’arrêtés municipaux

 

UN TOIT C’EST UN DROIT !