Poitiers : Guerre aux pauvres !


Mardi 12 juin, dans la presse quotidienne régionale écrite, deux articles haineux ont stigmatisé ceux qui sont appelés, de façon très discriminante, les « marginaux ». Le premier article donne la parole aux commerçants et dénonce « la présence accrue de groupes de marginaux escortés de leurs chiens sur la voie publique ». Le second donne la parole à la municipalité par la voix de son adjoint à la tranquillité [sic] publique qui réfute fermement l’idée que rien n’est fait par les autorités. Et comme il ne s’agit que de répression, nous voulons bien le croire…

D’abord concernant la « présence » de marginaux sur la voie publique, comment peut-on afficher par voie de presse un tel mépris pour certaines personnes ? Imaginons un instant que la presse ait écrit « la présence accrue de groupes de juifs ou d’homosexuels ». Ce serait le tollé, non ? Alors pourquoi lorsqu’il s’agit de stigmatiser un groupe social, de plus très hétérogène, non seulement la presse se fait l’écho des propos discriminatoires des commerçants et de la municipalité mais personne ne réagit ? Comme si c’était une évidence que certaines personnes étaient de trop sur la « voie publique ».

Ensuite, concernant les « marginaux ». Si cette appellation ne permet pas de comprendre ce que sont ces « marginaux », elle nous apprend beaucoup de choses sur les préjugés des commerçants, de la municipalité et des journalistes. Comment peut-on, sans autre forme de procès, condamner sans preuves un groupe de personnes ? Ne s’agit-il pas clairement d’insultes et d’injures gratuites ? Nous pouvons le dire, nous connaissons des commerçants fachos, mesquins, voleurs, qui engueulent leurs clients. Nous permettrions-nous pour autant de dire que tous les commerçants sont pareils ? Il y a des généralisations qui sont monstrueuses. Et encore, les « commerçants » sont un groupe clairement identifié ce qui n’est vraiment pas le cas pour les « marginaux ». Car qu’est-ce qu’un « marginal » ? Quelqu’un qui a un chien ? Qui en a plusieurs ? Qui a un ou plusieurs chiens qui « divaguent » ? Quelqu’un qui « mendie » ? Qui « agresse verbalement ceux qui ne veulent pas donner » ? Qui « dégrade la terrasse du bar le Picto » ? Qui boit de l’alcool sur la voie publique ? Quelqu’un qui « bloque le passage » ?. Qui« gène tout le monde » ? Avouons-le nous sommes tous à notre niveau des marginaux… est-ce alors quelqu’un qui fait tout cela à la fois ? Autant dire que personne n’est marginal alors.

La municipalité, les commerçants et les journalistes tentent une manœuvre désespérée en cherchant à nous faire croire que c’est la présence « accrue » de groupes de marginaux qui pose problème. S’ils n’avaient pas la mémoire d’un poisson rouge, ils s’apercevraient que cette dénonciation discriminante des « marginaux » est récurrente. Déjà en septembre 2009 cela avait défrayé la chronique. Tout est très bien expliqué dans les articles du 9 septembre 2009 de Centre presse « Le SDF a-t-il outragé “Hooker”, flic zélé ? » et de la Nouvelle République « Les relations entre policiers et marginaux au tribunal ». Certains commerçants se plaignent au maire qui prend, ou réactualise, «des arrêtés interdisant les regroupements de chiens et la consommation d’alcool sur la voie publique » et qui somme les flics de les faire appliquer. Il s’agit donc clairement de purification sociale : harceler les zonards-sans logis-pauvres-jeunes jusqu’à ce qu’ils en aient marre et quittent Poitiers ou du moins le centre ville.

Il y a certes une présence « accrue » des pauvres aux centre ville. Cœur d’Agglo et la crise sont passés par là. Mais M. Bonnefon ne peut pas faire semblant de découvrir qu’il y a un « problème ». Déjà le 10 octobre dernier “Philippe de Bony, installé rue du Marché-Notre-Dame” et qui “est agent général de la Mutuelle de Poitiers” avait dit sans rire et par voie de presse (Nouvelle République – Centre Presse du lundi 10 octobre 2011) que “depuis deux ans, des choses ont été faites [par la municipalité et la police] pour gérer le problème des marginaux de Poitiers.“ Allons bon, le « problème » est toujours là. M. de Bony se serait-il trompé ? Le « problème » est-il bien là ?

Est-ce vraiment un problème de « marginaux » ? Comment la municipalité peut-elle être si schizophrène ? Comment peut-elle trouver des problèmes où il n’y en a pas et dénier depuis plus de deux mois qu’il y ait des « problèmes » de logement ? Car ce qui caractérise le groupe social du centre ville stigmatisé c’est que ce sont dessans logis-mal logés-pauvres qui ont osé relever la tête. Ne se sont-ils pas appelés eux-mêmes le Collectif des sans logis et mal logés ? Ils ont monté un campement devant Notre Dame à partir du 30 mars dernier pour revendiquer le respect de leurs droits. Campement qui a été détruit par la police sur demande de la municipalité le 2 avril. Campement reconstruit plusieurs fois et détruit. Ils sont allés à l’hôtel de ville demander audience au maire et en ont été expulsés par la police sur demande de la municipalité. Ils ont subi ensuite durant trois semaine une répression féroce. Devant le peu de cas des autorités pour s’occuper de leurs « problèmes » ils ont ouvert un squat qui a malheureusement subi un début d’incendie. Rien n’a été fait pour les sinistrés qui sont retournés habiter la place du marché. Aujourd’hui la répression continue et ces articles haineux y participent.

Le centre de Poitiers appartient aussi aux pauvres.

Un toit est un droit. Nous ne lâcherons rien.