Note sur le Projet de loi ELAN – Actualisée


COMMUNIQUÉ

Mise à jour de la note sur le projet de loi ELAN :

5 juillet 2018

La loi ELAN menace les habitants :

Une loi en soutien à la spéculation et au logement cher …

Vers une aggravation de la crise du logement, une politique anti pauvres, une extension de la bulle immobilière.

(Mise à jour le 5 juillet 2018)

Tandis que les prix de l’immobilier, du foncier et des loyers dans les zones tendues battent des records, le gouvernement après des consultations qui l’ont modifié à la marge, présente son projet de loi “ELAN” sur fond d’économie lourdes sur les APL et d’attaques contre les financements du logement social et public.

Ce texte contient de nombreuses atteintes au droit au logement, et révèle à l’analyse une volonté de déréguler les secteurs locatifs privés et sociaux, soutenir le marché immobilier, réprimer des populations impactées par la crise : Malgré un apparent empilement de mesures disparates, il révèle des objectifs très cohérents, et dessine une politique du logement profondément libérale. Il annonce une Thatchérisation du secteur du logement


Loin de conduire à une baisse des prix comme le prétend la communication de l’exécutif, ce texte de loi vise à lever les protections pour les plus fragiles (ex. normes handicap, bail mobilité), fragiliser  les moyens de les loger (vente et marchandisation des HLM) et doper encore un peu plus la spéculation immobilière, à coups de grands projets d’urbanisme étatiques (GOU), de dérégulation (marginalisation de l’encadrement des loyers et vente en bloc de logements sociaux au secteur spéculatif) dans les métropoles.

Pour l‘Ile-de-France, ce texte prépare, entre autres, les JO de 2024, le grand Paris et l’arrivée des légions de la finance mondiales déménagées par le Brexit. Paris, désormais classée 3e ville la plus attractive du monde, après Singapour et Londres, est devenue une cible de choix pour les placements immobiliers des groupes financiers internationaux1, entraînant dans cette spirale spéculative l’Ile-de-France et les autres métropoles françaises, en témoigne la poursuite de la hausse des prix en 2017 dans ce secteur.

Ce texte fait franchir une étape déterminante à la dérégulation des marchés locatifs, immobiliers et fonciers, pendant qu’E. Macron et le gouvernement tentent de faire accréditer l’idée que la production massive de logement fera spontanément baisser les prix de l’immobilier. Mais le logement n’est pas le pétrole2, et cette théorie de comptoir ne fonctionne pas dans la réalité.

Il existe des solutions pour faire réduire la lourde charge qui pèse sur la majorité des habitants, à l’opposé des choix du gouvernement et de l’Elysée.

Contre le logement cher, il faudrait généraliser et durcir l’encadrement des loyers, taxer la spéculation immobilière et foncière, reconquérir progressivement le foncier urbain au nom de l’intérêt général, réquisitionner ou mobiliser les logements vacants …

Les dispositions les plus dangereuses du projet de loi  :

  • L’instauration d’un bail de 3 à 9 mois (bail mobilité) annonce le morcellement de la vie des futurs locataires en zone tendue, ménages modestes, jeunes, étudiant.e.s, migrant.e.s… et instaure une nomadisation contrainte, au nom de la mobilité/flexibilité/fluidité/agilité, qualités supposées du système libéral.

La limitation aux étudiant.e.s, aux stagiaires, aux personnes en formation, est incontrôlable. Il devrait permettre la généralisation progressive de cette aubaine pour les bailleurs. Créant une précarisation des conditions de vie, cette disposition permettra aux bailleurs privés d’augmenter les loyers au changement du locataire, en alternant avec la location touristique. Il s’agit donc d’une mesure inflationniste, à laquelle les bailleurs privés vont recourir pour accroître une rente locative sérieusement affaiblie par l’emballement des prix immobiliers …Il s’agit bien d’un objectif du gouvernement sensible aux doléances de ces milieux. Les marchands de sommeil vont trouver l’aubaine, car les mal-logé.e.s faute de mieux, se replieront alors vers cette solution qui permet au bailleur de louer de courte durée sans risque d’être dénoncé et poursuivi, car les procédures n’en finissent pas dans ce domaine.

Désormais, ce n’est plus le locataire qui choisira la date de son départ, c’est le bailleur. Il s’agit donc d’une attaque contre le droit à un logement stable, indispensable pour se reposer, se soigner, vivre en famille, constituer des liens sociaux.

Le bail de trois mois, c’est déjà la rue ! A la place du bail mobilité DAL demande l’interdiction des cautions solidaires, pour pallier aux difficultés d’accès, à limiter les exigences des bailleurs, et la mise en œuvre d’une politique active contre le logement cher et l’emballement des prix de ce secteur.

  • Détricotage de l’encadrement des loyers : là encore, la rente locative obtient gain de cause, l’encadrement des loyers devient expérimental, facultatif et ne s’appliquerait qu’à la demande d’une collectivité territoriale, devenant ainsi une mesure d’exception. L’encadrement des loyers est très populaire, mais dérange les véritables projets du gouvernement. Le ministère du Logement, hypocritement, nie bien sûr vouloir son extinction, c’est pourtant ce que prépare le projet de loi.

Il aurait suffit de recadrer le décret dont la rédaction trop prudente a permis l’annulation de l’encadrement à Paris et à Lille, afin d’imposer sa mise en œuvre dans toutes les agglomérations tendues, comme prévu initialement par la loi ALUR. Plutôt qu’un nouveau décret, le gouvernement a choisi de changer la loi. Qui est dupe ? Il serait cohérent d’introduire aussi des sanctions contre le non respect du gel des loyers à la relocation dans les zones tendues.

  • Vente de logements sociaux, au secteur spéculatif  : après avoir décidé d’assécher la trésorerie des bailleurs sociaux (1,5 milliard par an dès 2019) le gouvernement leur impose de vendre 1% de leur parc (minimum), soit plus de 40 000 logements HLM (sociaux et publics). De nombreuses mesures pour faciliter ces ventes sont prévues, notamment la vente en bloc de PLS à des sociétés de droit privé, de HLM récents et ce, au prix fixé de gré à gré car le prix des domaines n’est plus une référence et l’autorisation préalable du Maire est supprimée : risques considérables de dérives.

Cette mesure livre les locataires PLS à des spéculateurs dont l’objectif sera de les évincer pour vendre car un logement échappant à la contrainte du loyer conventionné et du droit au maintien dans les lieux du locataire double de valeur, au minimum.

La version adoptée par l’Assemblée permet aussi de vendre en « nue propriété » à des société lucratives tout immeuble HLM : l’acquéreur ne détient le droit de jouissance qu’au départ du locataire. Un grand Monopoly des HLM s’annonce, malheur aux locataires et aux sans logis !

Cette facilitation des ventes permet aussi à des marchands de sommeil, de réaliser des profits sur des biens financés par la collectivité publique nationale (nous)

  • Ventes de HLM dans les communes en déficit de LLS (Logements Locatifs sociaux), une atteinte à la loi SRU  : Ces ventes seront encouragées dans les communes en déficit (moins de 25% de LLS), car les logements vendus « au plus offrant ou aux petits copains » seront comptés pendant 10 ans comme des HLM… Pas la peine de se presser à en construire de nouveaux, … Comme un HLM à Neuilly se vendra mieux et plus cher qu’à Gennevilliers, les bailleurs sociaux devraient vendre les plus attractifs, donc ceux construits à … Neuilly ! .

De plus, comme l’accord préalable du Maire à la vente d’un HLM est supprimé, autant dire que les communes déficitaires ne vont pas se bousculer pour en construire de nouveaux, … .

  • Concentration des bailleurs sociaux : sans qu’il soit démontré que la concentration produit des économies d’échelle, le projet de loi pousse à la disparition des bailleurs locaux, et éloigne les organismes HLM du terrain. Des bailleurs nationaux ayant la main sur plusieurs centaines de milliers de logements, décideront de Paris du sort des locataires de Roubaix, Lyon, Perpignan, Brest, ou Guéret … : ventes, démolitions, reports des réhabilitations, limitation de l’entretien et de l’encadrement de proximité, seront décidés autoritairement, loin des intérêts des locataires, des salarié.e.s et des communes. Que restera-t-il aux locataires pour se faire entendre ?

  • Fixation des loyers HLM en fonction des revenus des locataires : cette disposition facultative annonce de nouvelles économies sur les APL, et donc une hausse importante des loyers pour les locataires HLM qui ont des revenus moyens. Elle promet aussi de fortes tensions entre les locataires d’une même cage d’escalier du fait des différences de loyers.

  • L’examen de la situation du locataire tous les 2 ans, prélude au bail HLM en CDD (contrat à durée déterminée) Tandis que les sous statuts se développent en HLM (sous location, bail glissant intermédiation…) et que des entorses au maintien dans les lieux on été créée (locataires dont les revenus dépassent de + de 50% les maximas des ressources pour accéder à un logement social, et locataires en sous peuplement), cette mesure révèle la volonté de mettre un terme au droit au maintien dans les lieux. C’est une nouvelle attaque contre la stabilité du logement, .

  • La quasi suppression des normes handicap dans la construction neuve remet en cause le droit à l’accessibilité pour toutes et tous. En limitant cette obligation à 10% seulement des logement neufs construits dans les immeubles avec ascenseur (4 étages et plus), cela revient à passer sous le seuil de 5% de la production neuve. Les associations du handicap relèvent que cela revient aussi à sacrifier le maintien à domicile des personnes âgées, priorité pourtant annoncée par ce gouvernement.

  • La baisse des normes, au détriment des habitant.es et des architectes : Les architectes qui constatent une dégradation de la qualité des logements neufs (réduction des surfaces, baisse de l’éclairage naturel, de la qualité générale de la production … ) conséquence du climat spéculatif, sont aussi visés par des mesures dites de «simplifications», qui vont en fait accroître les désordres observés, aussi bien dans le neuf que dans les réhabilitations lourdes ou thermiques. La protection du patrimoine assurée par les architectes des bâtiments de France (ABF) est fragilisée puisque la décision finale reviendra au préfet. Le maire de Perpignan s’est réjouit de cette mesure pour vider sont centre historique de ses habitant.e.s pauvres. En bout de course, c‘est aux habitant.e.s de supporter les malfaçons, la dégradation de la qualité des logements neufs, la réduction générale des surfaces.

  • Suppression de la fonction disciplinaire du « Conseil national des transactions et de la gestion immobilière » (CNTGI) censé encadrer les professions immobilières. Réduit à un rôle consultatif, le CNTGI perd sa fonction principale : encadrer les professions immobilières, sujettes à des pratiques peu recommandables (blanchiment, escroquerie, malfaçons, complicité avec des marchands de sommeil). De manière plus répandue : non respect des réglementations protégeant les usagers, particulièrement les locataires (gel du loyer à la relocation, normes de décence, encadrement des frais d’agence …). Une aubaine pour les requins de l’immobilier, une mauvaise nouvelle pour les locataires.

On mesure ici l’influence du secteur immobilier. N’oublions pas que les responsables des secteurs logement et politiques de la ville lors de la campagne d’E. Macron étaient des promoteurs…

  • Durcissement à l’égard des locataires les plus modestes en situation d’impayé : Il faudra avoir repris le paiement des loyers pour bénéficier des droits ouverts par la procédure de surendettement: délais du paiement, apurement de la dette, suspension de l’expulsion, signature d’un nouveau bail… .

Or les ménages les plus pauvres, sont souvent dans l’incapacité de reprendre le paiement du loyer d’autant plus difficilement que l’APL leur est coupée. Ils seront alors jugés de «mauvaise foi», sanctionnés et expulsés sans relogement. Il y a lieu de redouter que cette conception de la mauvaise foi déjà en usage dans certaines instances, se généralise aux CCAPEX, aux commissions DALO ou au Fonds de Solidarité Logement (décortiqué).

  • Transparence dans l’attribution des HLM ne veux pas dire justice : Sans même attendre le résultat des expérimentations de la cotation de la demande HLM instaurée par la « loi Egalité et Citoyenneté du 27 janvier 2017 », le gouvernement la généralise. Le DAL émet de sérieuses réserves compte tenu des résultats pour le moins médiocres observés à Paris. Cette mesure a été décidée à l’emporte pièce, pour les besoins d’une communication «vernis social».

  • Rien de neuf pour les victimes de marchands de sommeil : Les sanctions contre les marchands de sommeil sont durcies, mais leurs victimes ne voient pas leur situation s’améliorer en matière de protection, de diligence des autorités, d’accélération des procédures d’insalubrité, de mise hors de danger et de relogement ou de facilitation des procédures sur le logement indécent. Il est vrai que l’objet de ce projet de loi n’est pas de soulager ceux et celles qui subissent la crise du logement …

  • Expulsion des habitants de quartiers informels en Guyane et Mayotte, un mois après un arrêté du préfet, sans jugement. Des dizaines de milliers de familles sont menacées, car outre les abris précaires, de nombreux quartiers « informels » depuis des années sont construits de belles maisons en dur. C’est le retour de l’arbitraire d’Etat. Une mesure de nature néocoloniale, que les habitants sont décidés à combattre en Guyane !

  • Perquisitions pour vérifier le respect des normes d’urbanisme : ils pourront rentrer chez les personnes soupçonnées de non respect des règles d’urbanisme, par une procédure simplifiée et en passant signaler au parquet d’autres « délits », par exemple les fumeurs de joints …

  • DANGER !! : Un amendement antisquat a été adopté en commission au Sénat, criminalisant les squatters et les occupants sans titre d’occupation en général.

  • Absence de mesures pour les sans abris, hormis une baisse de la durée de la réquisition issue de la loi de 1998. Cette procédure n’a d’ailleurs jamais été appliquée, …

La philosophie libérale de ce texte, confortant des intérêts privés au détriment des ménages modestes et du service public du logement, vise à accélérer la financiarisation du logement, y compris celle du logement social. Le Gouvernement a choisi de défendre les intérêts à court terme des milieux immobiliers spéculatifs et financiers, en enfonçant locataires, mal logé.e.s, sans logis, handicapé.e.s, architectes, habitant.e.s…

Aucune mesure n’est prévue pour éteindre la flambée des prix, au contraire! Ce projet de loi soutient l’inflation des prix immobiliers et fonciers, la hausse générale des loyers (bail mobilité, vente des HLM …) ; Il vise à «flexibiliser» les rapports locatifs, accélérer les processus de production, réduire la qualité et imposer aux habitant.e.s des programmes d’urbanisme gentrificateurs, pour d’attirer les capitaux .

Il attaque les fondements de la solidarité et de la protection du logement des classes populaires et moyennes érigés au fil du temps pour parer aux assauts de la spéculation. Il copie, 40 ans après, la politique de la terre brulée mise en œuvre par Thatcher, ou dans les pays de l’est contre les locataires et le logement social dont les terribles effets sont: précarité des locataires, loyers exorbitants comme à Londres, marché immobilier instable et spéculatif, surendettement des ménages, répression des sans abris ….

Cette 2e attaque, après celle menée contre les APL et la trésorerie des HLM, en annonce d’autres, notamment dans d’autres textes de loi tel celui sur la justice : Vigilance !

Il y a donc urgence à se mobiliser contre ce projet qui porte atteinte au Droit au Logement, mais aussi avec les salarié.e.s, contre les attaques gouvernementales et les projet de marchandisation des services publics comme la SNCF, la santé, l’éducation, les services sociaux, la justice, la poste …

Des alternatives puissantes et protectrices existent, pour contrer la prédation spéculative et satisfaire le Droit au Logement : une réforme du foncier urbain couplé à la captation publique des profits privés tirés des politiques d’urbanisme, un encadrement des loyers à la baisse, une relance du logement social et l’amélioration de son modèle, la relance du logement coopératif non lucratif, l’application du droit à un logement décent, stable et économe pour tou.te.s les sans logis, les mal logé.e.s et les habitant.e.s …

Un toit c’est un droit !

CONTRE LA LOI ELAN  Mardi 17 juillet – 17h à Odéon

1 Voir à ce sujet le rapport de l’ONU sur la financiarisation du logement  qui décode les pratiques des groupes financiers mondiaux et leurs effets désastreux sur les marchés immobiliers, et sur les habitants des grande villes : https://www.droitaulogement.org/wp-content/uploads/2017/06/A_HRC_34_51-report-on-housing-and-finacialization_fr.pdf

2 Les cycles immobiliers en dent de scie caractérisent les marchés immobiliers capitalistes dans les pays riches, fruits de la dérégulation des rapports locatifs, de la libéralisation des marchés immobiliers et fonciers, des politiques d’urbanismes de gentrification. Motivés par la réalisation de profits immédiats et rapides, les milieux immobiliers et les investisseurs construisent, spéculent, produisant une bulle et l’alimentant jusqu’à la crise et la chute brutale des prix. Il s’ensuit des pertes bancaires qu’il faut alors apurer avec des aides publiques, des expulsions massives, une hausse conséquente des logements vacants,  du chômage, des faillites, des politiques de rigueur et d’ économies sur la protection sociale des populations … Faut-il en arriver là ?

 

Un toit c’est un droit !