Encadrement des loyers: c’est pas la baisse !


COMMUNIQUE

Paris le 1er juillet 2019 – 16h30

                                                                                                                 

Encadrement des loyers :

Une « mini-micro-avancée » qui n’assure pas la baisse des loyers et ne garantit même pas leur stabilisation !

 

Droit Au logement depuis 2002 revendique l’encadrement des loyers à la baisse (voir note, ci-dessous). En 2012 le candidat F. Hollande s’engage à le faire, mais la loi ALUR de mars 2014 est insuffisante, d’autant plus que M. Valls en août 2015 entreprend de la neutraliser en bloquant son application sur l’ensemble du territoire de chaque agglomération tendue.

Si le principe de l’encadrement des loyers est maintenu par la loi ELAN de décembre 2018, il est fragilisé : expérimentation et non plus de plein droit, application commune par commune au lieu de l’agglomération sur le modèle imposé par E. Valls,

Le 1er juillet 2019 ne marquera donc pas un tournant social dans les politiques du logement, et encore moins une avancée significative pour les locataires.

Très chers loyers encadrés, surtout dans les quartiers populaires :

Le loyer médian majoré est déjà très élevé puisqu’il permet au bailleur de rehausser le loyer médian de 20%, et même dans certains cas de le dépasser.

Il atteint même pour des logements d’une pièce édifiés avant 1946 : 33,8 € le m2 à Belleville et Ménilmontant côté 20e ou 33,2 € à la goutte d’or.

Pour le même type de logement dans le 16e le loyer au m2 est manifestement un des moins chers de Paris : 32,6 € avenue de Versailles, 33 € rue de la Pompe !

Le 16e serait-il devenu un quartier populaire ?

Le calcul du loyer médian serait-il aléatoire ?

Serait-il un accélérateur de l’épuration sociale dans la capitale ?

Droit Au Logement demande des explications sur cette surprenante incongruité, sachant que les logements d’une pièce sont le refuge des parisiens les plus modestes.

 

Quelques gagnants et beaucoup plus de perdants :

Il faudra attendre le renouvellement du bail pour pouvoir demander au juge une diminution du loyer s’il dépasse le loyer médian majoré, ce qui nécessite d’être bien armé juridiquement et bien conseillé (par exemple par le DAL). Autrement dit aucun locataire ayant signé son bail avant ce lundi 1er juillet ne pourra en bénéficier, et seulement quelques dizaines de locataires avaient saisi le juge à cet effet lors de l’application antérieure.

 

Par contre beaucoup plus nombreux sont les locataires qui payent un loyer inférieur au loyer médian minoré (-30% du loyer médian), car ils sont dans les lieux depuis plusieurs dizaines d’années. Bailleurs cupides, sociétés immobilières et spéculateurs n’auront aucun état d’âme à leur imposer une hausse brutale de loyer au renouvellement du bail.

Si la mesure parait « équilibrée sur le papier », elle va avoir des conséquences sociales désastreuses : contraindre, au cours des 6 prochaines années, des dizaines de milliers de locataires, le plus souvent assez âgés, qui se maintiennent dans les quartiers populaires des métropoles grâce à leur ancienneté dans le logement, à le quitter de gré ou de force.

La dérive de l’encadrement commune par commune :

Dans ce contexte, quels maires décideront d’encadrer les loyers ?

Certainement pas les communes refuge des classes privilégiées, qui verront dans cette mesure un moyen de renforcer leur ghetto de riches.

Par contre les communes plus populaires devront trancher sur la mise en œuvre ou non de cette mesure, entre lutter contre le renchérissement des loyers, et protéger leurs locataires anciens.

 

Droit Au Logement rappelle que le gel des loyers, tel qu’il est mis en place à Berlin, n’est pas la bonne réponse en France, car on ne part pas du même niveau :

A Berlin, il reste bas rapporté au revenu des ménages et le gel vient bloquer la hausse annoncée, ce que l’on aurait dû faire en France depuis 2000.

En France le mal est déjà fait … nous subissons une hausse quasi permanente depuis bientôt 20 ans. L’inflation et l’indexation des loyers sont faibles, le gel n’aura donc pas d’impact avant 20 ou 30 ans …

 

En conclusion, le dispositif d’encadrement en vigueur à Paris, aura un effet marginal sur le niveau des loyers historiquement élevé, et contient des effets pervers pour une part non négligeable pour de nombreux locataires. Il y a impérative nécessité d’améliorer la loi.

Dans ce contexte, Droit Au logement demande néanmoins aux maires d’appliquer l’encadrement des loyers, et de lutter concrètement et par tous moyens dont ils disposent pour empêcher l’exil voire l’expulsion de leurs locataires anciens du secteur privé ;

 

Le DAL exige, en ce qui concerne la politique des loyers dans le secteur privé  :

  • La baisse réelle de tous les loyers conjuguée avec l’APL de telle sorte à contenir le taux d’effort en dessous de 20%,
  • L’interdiction de la revalorisation des bas loyers et de la majoration du loyer médian,
  • L’extension de l’encadrement des loyers à l’ensemble des agglomérations tendues,
  • Le relèvement de l’APL,
  • Ainsi que la réalisation massive de vrais logements sociaux, un moratoire des expulsions, la réquisition des logements vacants pour répondre à l’urgence sociale.

 

 

Un toit c’est un droit !

 

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NOTE :

Quelques éléments chronologiques 

Droit Au Logement, dès 2002, revendique l’encadrement des loyers qui n’ont cessé de flamber depuis 2000. La revendication s’appuie sur l’exemple de plusieurs pays européens, notamment les pays nordiques, mais surtout sur notre propre histoire : la France a baissé drastiquement les loyers en 1914 et 1948. Ainsi, à la libération, les loyers coûtent moins cher que la consommation de tabac.

La loi de 1948 va produire une hausse très modérée des loyers, mais les locataires modestes peuvent continuer à se loger à Paris et dans les grandes villes. En 1973, la part du loyer dans le budget des locataires ne dépasse pas 10%.  

La loi de 48 est sévèrement attaquée dans les années 70 et définitivement abrogée en 1986 par Jacques Chirac, hormis les baux en cours. S’en suivra une flambée des loyers et de l’immobilier, à Paris notamment, jusqu’à la crise de 1990.

Courant 2011, le DAL lance et anime le collectif contre le logement cher, réunissant notamment des associations de locataires et des syndicats, en vue de mettre le sujet à l’ordre du jour des programmes des candidats aux élections présidentielles. Cette revendication a été intégrée par les candidats de la gauche en général, dont F. Hollande.

Le mouvement social obtient en juillet 2013 le décret instaurant un gel des loyers à la relocation dans les zones tendues, reconduit chaque année depuis. En l’absence de sanctions et surtout d’un répertoire central des loyers, de nombreux bailleurs grugent leur nouveau locataire, qui ne peut vérifier les dires du bailleur.

En mars 2014, la loi ALUR accouche donc d’une nouvelle législation sur l’encadrement des loyers, près de 30 ans après son abrogation.

Un tabou est tombé : le principe de la fixation des loyers en fonction du marché, dans un contexte de pénurie n’est plus d’actualité.

Mais le texte de loi est insuffisant pour faire baisser les loyers. De plus, M. Valls, dès son arrivée à Matignon saborde sa mise en œuvre. Il impose illégalement la limitation de l’encadrement, non plus aux agglomérations tendues sur décision du Préfet, mais à chaque commune qui le demande.

En novembre 2017, l’encadrement des loyers en vigueur à Lille et Paris est abrogé par les tribunaux administratifs de Lille et Paris. Plutôt que de généraliser l’encadrement à l’ensemble de l’Ile-de-France et de la métropole lilloise, le gouvernement Philippe décide de présenter un nouveau texte, validant le modèle de Valls (sur demande du maire), à titre expérimental (sur 5 ans), et introduisant une sanction financière à l’encontre des bailleurs qui violent le dispositif…. Décembre 2018, adoption de la loi ELAN. Juillet 2019, mise en œuvre à Paris… à suivre !